Dupliquer le temps

Progresser en aïkido demande du temps. Et les progrès sont parfois décevants. Au point, parfois, de rebuter les débutants qui renoncent passée la première année.

Il existe pourtant un moyen de progresser au moins deux fois plus vite. Comme si un cours de deux heures devenait un cours de quatre heures.

Et ce moyen est simple : accorder autant, si ce n’est plus d’importance à sa pratique en tant que uke qu’en tant que tori.

Uke

Si on ne « bosse » que lorsqu’on a le rôle de tori, on rate la moitié du travail et des progrès associés. D’autant plus qu’on est, chacun d’entre nous, la seule personne capable de s’observer de l’intérieur. D’écouter ses sensations, ses instincts, son confort, son inconfort, tous ces ressentis qui nous envahissent quand tori exécute sa technique. Ce que provoque en nous le moindre de ses déplacements, la plus élémentaire de ses attitudes. Or, percevoir ces sensations et les mettre en relation avec ce qu’on vient juste de vivre est un outil pour le moment où nous serons nous-mêmes tori dans la mesure où il y a toutes les chances que si on adopte une attitude similaire on provoque une réaction identique ou proche chez uke.

Se priver de cette écoute de soi est donc un terrible gâchis qui met à la poubelle la moitié du temps passé sur le tatami. Et, je pense, la majeure partie du temps efficace car il me semble apprendre plus en tant que uke qu’en tant que tori.

Si on pense que uke est celui qui subit, ou plutôt, exécute la chute, ukemi, on voit bien que son rôle est central et prépondérant. D’ailleurs, bien des aïkidokas le disent en admettant qu’ils sont « meilleurs » tori avec un bon uke. Car ukemi ne se limite pas à la chute mais englobe la totalité du mouvement jusqu’à la chute. Donc la compréhension en temps réel des intentions et de l’évolution de tori. Ce qui lui permet de s’exprimer sans risque et sincèrement et, notamment s’il s’agit d’un enseignant, de nous exposer à de nouvelles sensations qui vont nous faire encore progresser.

En respectant votre travail de uke, vous ne passerez pas moins de temps sur le tatami mais vous doublerez, au moins, vos progrès. Un peu comme si vous étiez venus deux fois plus souvent ou deux fois plus longtemps.

C’est une bonne nouvelle pour les les plus anciens d’entre nous car ce temps supplémentaire, c’est maintenant, pas demain. Mais aussi pour les plus jeunes, toujours avides de progrès rapides.

Aïté

Aïté est parfois l’autre nom qu’on donne à uke. De mon point de vue, c’est une erreur. Etre appelé aïté se mérite.

Aïté propose des attaques ou des saisies sincères, pertinentes, logiques. Devant la réponse de tori, il ne subit pas mais s’adapte et cherche en permanence à accompagner le mouvement dans l’objectif de se créer des opportunités de réponse pour devenir tori à la place de tori (mais, dans le cadre de l’entraînement, sans exploiter ces opportunités). Dans ce sens, il reste un combattant tout au long du mouvement et impose à tori une justesse qui le fait progresser.

Quand le mouvement se conclut par une projection, aïté accepte cette conclusion et réalise la chute la plus adaptée aux circonstances. Ukemi n’est pas une défaite mais une solution. C’est ce qui permet à aïté de trouver une issue et de revenir dans le combat.

Tout cela devrait vous convaincre de travailler votre rôle de uke jusqu’à mériter le titre de aïté. Titre jamais acquis à vie mais qu’il convient d’entretenir et de développer.

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